L’objectif  avoué de la réforme est de renforcer la répression de la délinquance des mineurs en entretenant l’illusion que la crainte  d’une sanction plus forte suffirait, de façon magique, à dissuader des adolescents déstructurés d’un passage à l’acte.

Au contraire ces nouvelles dispositions vont affaiblir les moyens d’action éprouvés et efficaces de notre justice des mineurs.

Le  reproche de lenteur régulièrement fait à la justice des mineurs découle de la confusion entretenue entre la nécessité de la réponse rapide à donner à un adolescent en dérive et celle d’un jugement à bref délai. La véritable urgence est celle de la mise en œuvre de solutions éducatives afin de prévenir la répétition d’actes délinquants.

L’intervention d’un juge des enfants prenant en compte les situations individuelles, (« mon juge », disent les jeunes) et la réévaluation régulière des mesures éducatives en cours sont autrement plus pertinentes que l’empilement de peines sur un casier judiciaire dans des audiences surchargées tenues par un juge des enfants de permanence, sur la base de renseignements rassemblés à la hâte par un éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse. 

La justice des mineurs doit rester une justice de la continuité, menée par des professionnels-repères (juge des enfants, éducateur, avocat…) pour le mineur et prenant en compte son évolution et non une réponse ponctuelle au passage à l’acte. 

Les tribunaux pour enfants doivent disposer des moyens et des structures pour  pouvoir apporter une réponse rapide et individualisée. Ainsi, les services éducatifs (Protection Judiciaire de la Jeunesse, associations habilitées) doivent pouvoir proposer des prises en charge éducatives de nature différente (placement, milieu ouvert, insertion…).

A l’opposé de cette démarche, le projet fait quasiment disparaître le tribunal pour enfants où siègent au côté du juge des enfants  deux assesseurs recrutés pour leur intérêt pour les questions de l’enfance ; les voici congédiés au profit du tribunal correctionnel, augmenté dans certaines affaires d ‘assesseurs citoyens tirés au sort et où le juge des enfants servira d’alibi.

Etrange manière de faire participer la société au jugement de ses enfants, que de démanteler ainsi une justice de qualité où l’on s’efforce de donner la parole à tous, mineur, famille, victime, éducateur, procureur et défense  et d’allier pédagogie et sanction. 

Toujours plus rapide, toujours plus répressif : à l’instar des comparutions immédiates pour les majeurs, le procureur pourra renvoyer les mineurs en jugement dans le cadre de dispositions pratiquement identiques à celles qui viennent d’être  censurées par le Conseil Constitutionnel, les conditions de peines encourues et d’âge étant tellement extensives qu’elles s’appliqueront à tous. 

L’accélération effrénée des délais de traitement de procédure, l’injonction faite de trouver un «  remède miracle » met les professionnels « au pied du mur » et conduit les mineurs «  entre les murs » sans perspective de développement des lieux de placement alternatifs.  

Pourtant la multiplication des incidents ces dernières semaines dans les  établissements pénitentiaires pour mineurs et l’augmentation de l’incarcération des mineurs  démontrent l’impasse à laquelle conduit un traitement purement répressif de la délinquance juvénile et la priorité budgétaire absolue donnée depuis 2002 aux centres éducatifs fermés et aux établissements pénitentiaires pour mineurs.

On nous ressasse que «  les jeunes d’aujourd’hui ne sont  plus ceux d’hier » sans oser expliciter s’il s’agit de la taille physique qui accélère la maturité ou des origines sociales de certains jeunes. Mais  les partisans de cette « majorité pénale » des jeunes de 16 ans ne proposent pas  pour autant de leur attribuer les droits civils correspondants : droit de vote, permis de conduire.

Le projet en voie d’être adopté démontre surtout que « les adultes d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier » et n’ont plus le courage de construire un projet pour la jeunesse la plus fragile alors qu’il n’existe aucune politique de la jeunesse globale, cohérente et positive.

Refusons le jugement de nos enfants par le tribunal des adultes.

PREMIERS SIGNATAIRES

  1. Claire BRISSET, ancienne Défenseure des Enfants
  2. Dominique ATTIAS, avocate au barreau de Paris membre de l’antenne des mineurs
  3. Pierre JOXE, avocat au barreau de Paris membre de l’antenne des mineurs
  4. Henry NALLET, Garde des Sceaux de 1990 à 1992
  5. Yves DOUCHIN, Directeur Régional honoraire de la PJJ
  6. Jacques HINTZY, président d’UNICEF France
  7. Serge PORTELLI  vice-président du Tribunal de Grande Instance de Paris
  8. Dominique VERSINI ancienne Défenseur des Enfants, ancienne secrétaire d’état chargée de la lutte contre l’exclusion et la précarité 2002-2004
  9. Maryse VAILLANT psychologue clinicienne
  10. Roland GORI, professeur émérite, psychanalyste, initiateur de l’Appel des Appels
  11. Jean Jacques YVOREL, historien
  12. Henri LECLERC président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
  13. Michel CHAUVIERE, directeur de recherche au CNRS
  14. Michèle BECQUEMIN, sociologue, Université de Paris Est-Créteil
  15. Alain BRUEL, ancien juge des enfants
  16. Christophe DAADOUCHE, formateur
  17. Hélène FRANCO, magistrate
  18. Jean Luc RONGE, vice-président de DEI Europe (Défense des Enfants International)
  19. Corinne LEPAGE, avocate, ancienne ministre
  20. Claude LOUZOUN, Collectif Non à la Politique de la Peur, Union Syndicale de la Psychiatrie
  21. Catherine SULTAN présidente de l’Association Française des Magistrats de la Jeunesse
  22. Michelle PERROT, professeur émérite d’université, historienne
  23. Laurent MUCCHIELLI, sociologue, chercheur au CNRS
  24. Jacques BOURQUIN, éducateur, historien
  25. Odile BARRAL, magistrate, ancienne Juge des Enfants, Secrétaire Nationale du Syndicat de la Magistrature
  26. Maria INES éducatrice, secrétaire nationale du SNPES-PJJ-FSU
  27. Pascale TAELMAN, avocate, présidente du Syndicat des Avocats de France
  28. Alain DRU, éducateur, secrétaire national de la CGT-PJJ
  29. Patrice CHOLLIER, éducateur, secrétaire fédéral CFDT-PJJ
  30. Jean Pierre ROSENCZWEIG, juge des enfants, président de DEI France
  31. Françoise L. MEYER psychanalyste, clinicienne de l’inter secteur enfants adolescents de Saint Denis (93)
  32. Jacques BORGY, psychologue, secrétaire général du Syndicat National des Psychologues
  33. Marie CATHELINEAU, psychologue, Fonction Publique Hospitalière, secrétaire générale adjointe du Syndicat National des Psychologues
  34. Jean Michel BALLESTER, psychologue du travail
  35. Philippe CHIMY, psychologue du travail
  36. Françoise CARON, psychologue, universitaire retraité
  37. Martine RAVINEAU, psychologue PJJ, responsable commission justice du Syndicat National des Psychologues
  38. Laurent HERVE, éducateur, secrétaire général UNSA-SPJJ
  39. Marie Rose MORO, pédopsychiatre, professeur université Paris Descartes
  40. Marie-Laure JOLIVEAU TEZCAN, juriste, La Voix de l’Enfant
  41. Martine BROUSSE, La Voix de l’Enfant
  42. Vincent BERTHAT avocat, président de la Confédération Nationale des Avocats
  43. Paul MACHTO, psychiatre, psychanalyste secteur de Montfermeil (93), Collectif des 39
  44. Patrick CHEMLA, psychiatre et psychanalyste, centre Antonin Artaud Reims, Collectif  des 39
  45. Catherine DOLTO, médecin pédopsychiatre
  46. Marie-Aimée PEYRON, avocate, vice présidente du conseil national des barreaux
  47. Vincent BERTHAT, président Confédération Nationale des Avocats
  48. Marie-Laure JOLIVEAU-TEZCAN, juriste, la Voix de l’Enfant
  49. Antoine MACHTO, psychologue clinicien, fondation Vallée
  50. Bruno TOURNAIRE BACCHINI, psychiatre
  51. Simone MOLINA, psychanalyste, membre d e l’appel des 39*
  52. Bernard DURAND, pédopsychiatre, expert honoraire près les tribunaux
  53. Dominique DAMOUR, psychologue clinicienne
  54. Pierre SADOUL, psychiatre
  55. Patrice CHORBIT, psychiatre, psychanalyste, trésorier SNPP
  56. Sylvie PRIEUR, psychologue clinicienne, CH Uzès (30)
  57. Emile LUMBROSO, psychologue à Reims, président d’Euro-Psy
  58. Philippe BICHON, psychiatre clinique de La Borde, membre du collectif des 39
  59. Françoise LABES, psychiatre, psychanalyste, Paris
  60. Marie-Blanche REGNIER, magistrat, secrétaire nationale du SM
  61. Stefan CHEDRI, psychanalyste, université Paris IV, membre de l’Appel des Appels
  62. Julie CAUPENNE, professeur de lettres, membre de l’Appel des Appels
  63. Armelle LEVEQUE, journaliste
  64. Sacha BESUCHET, vice président du Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées (GENEPI)
  65. Dominique DAMOUR, psychologue clinicienne
  66. Pierre SADOUL, psychiatre des hôpitaux, ex-chef de secteur
  67. Mathieu BELLAHSEN, psychiatre, membre des 39 contre la Nuit sécuritaire
  68. Françoise NIELSEN, psychanalyste, Paris 
  69. Michaël GUYADER, psychiatre, psychanalyste, chef de service
  70. Elie WINTER, Psychiatre, Secrétaire Général de l’AFPEP-SNPP
  71. Roger FERRERI, chef de pôle de psychiatrie infanto-juvénile de l’hôpital Sud Francilien, membre des 39 contre la Nuit Sécuritaire
  72. Patrice CHORBIT, psychiatre, psychanalyste, trésorier SNPP
  73. Bénédicte MAURIN, éducatrice spécialisée, hôpital de jour Pierre Chevaldonné, Orléans
  74. Philippe BICHON, psychiatre clinique de La Borde, Collectif des 39
  75. Sylvie PRIEUR, psychologue clinicienne
  76. Emile LUMBROSO, psychologue à Reims, président d’Euro-Psy
  77. Armelle LEVEQUE, citoyenne, chroniqueuse à Radio Citron, Paris
  78. Françoise LABES, psychiatre, psychanalyste, Paris
  79. Anne Tuffelli, psychiatre, Paris
  80. Sarah RAYR-SALOMONOWICZ, psychologue clinicienne, psychanalyste, Paris 
  81. Olivier BOITARD, psychiatre des hôpitaux, CHI de Clermont de l'Oise
  82. Serge KLOPP, cadre infirmier en pédopsychiatrie
  83. Patricia JANODY, psychanalyste, psychiatre à l’EPS d’Antony, Collectif des 39
  84. Loriane Brunessaux, psychiatre du pôle de psychiatrie infanto-juvénile de l'hôpital Sud Francilien, membre des 39 contre la nuit sécuritaire
  85. Danièle EPSTEIN, psychanalyste, ex psychologue à la PJJ