En effet, ce projet consistant à aligner insidieusement le régime pénal des mineurs sur celui des majeurs figurait déjà dans le rapport Varinard  et avait été abandonné devant la levée de bouclier des professionnels et le risque d’être déclaré inconstitutionnel. Récemment encore, dans sa décision du 10 mars 2011, le Conseil Constitutionnel a invalidé des articles de la LOPPSI 2 en rappelant le principe de spécialisation de  la justice des mineurs : « l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ».

Ce principe de la spécialisation de la juridiction des mineurs découle par ailleurs de textes de droit international ratifiés par la France tels que la Convention des droits de l’enfant.
 
Le gouvernement invoque un postulat absurde reposant sur la différence entre les adolescents d’aujourd’hui et ceux d’hier, comme si les jeunes de seize ans étaient désormaisdes adultes. En déniant à certains jeunes le statut de minorité, stigmatisés une nouvelle fois, cela ne pourra que renforcer le sentiment d’injustice et de discrimination ressenti dans les quartiers populaires dont ces jeunes sont issus pour la plupart d’entre eux.  Par ailleurs, ce projet de réforme est empreint de défiance à l’égard des tribunaux pour enfants et de la Protection Judiciaire de la Jeunesse ainsi que de l’efficacité des peines et mesures éducatives prononcées, alors même que la très grande majorité des mineurs condamnés ne récidivent pas.
 
La  spécificité de la justice des mineurs ne peut être garantie par la seule présence d’un juge des enfants. Compte tenu de la surcharge actuelle des audiences correctionnelles, les jeunes concernés ne bénéficieront pas de l’examen attentif et complet de leur personnalité et de leur évolution auquel procèdent les juridictions pour mineurs. Si ce projet voyait le jour, il aboutirait progressivement à un renforcement des peines prononcées, alors que l’incarcération des mineurs est déjà en hausse à la suite de l’évolution législative de ces dernières années.   
 
Nous refusons le remplacement de la juridiction spécialisée par une juridiction correctionnelle d’exception pour les mineurs. Nous appelons les professionnels et les citoyens à s’opposer de toutes leurs forces à cette insupportable régression du droit des mineurs.